Essai de panorama stratégique de l’informatisation et de la société de l’information
- Introduction
- Le décor stratégique
- Nationalisme moderne et persuasion de masse
- L’âge des confrontations indirectes et géoéconomiques
- Montée des enjeux informationnels et psychologiques
- L’informatisation s’immisce dans le monde
- La naissance de l’informatique à l’âge de la dissuasion nucléaire
- Guerre économique américaine versus expansion japonaise
- Le virage stratégique dû à la micro-informatique en 1975
- Les États-Unis, vers une suprématie mondiale et informationnelle
- L’exceptionnalité japonaise dans les technologies et l’usage de l’information
- Révolution informationnelle dans les affaires militaires et guerre hors limite
- Licornes numériques, puissance et dépendance
- Égalisation de puissance, levier de contestation et d’ingérence
- Des conflits civico-militaires mêlant information et art de la combinaison
- La vocation des offensives cyber à se combiner à d’autres
- Une métamorphose économique favorable à la prédation et la subversion
- Perspectives
- Bibliographie
Introduction
Parée de multiples idéologies, l’informatisation du monde n’en demeure pas moins une dynamique qui remodèle souterrainement un certain nombre de fondements de la matrice sociétale et économique. Si elle a été décrite à juste titre comme un nouveau centre névralgique des sociétés humaines, la compréhension de ce qu’elle génère en amont dans les velléités et la physionomie des conflits est déjà beaucoup plus flou. À maints égards, son impact dans le champ stratégique apparaît comme un sujet à la fois biaisé et moins exploré, voire comme le parent pauvre de l’informatisation. Le fétichisme et la ferveur idéologique avec lesquels s’est déployée la société de l’information n’est pas sans avoir favorisé ce brouillage. La réciproque est déjà moins vraie, car l’évolution parallèle de la conflictualité a obligé à regarder plus froidement l’impact de la mise en réseau de la planète en termes de rapports de force, notamment militaires. On en trouve l’illustration dans les travaux autour de la Révolution dans les affaires militaires, d’abord en URSS dans les années 1980, puis aux États-Unis, également autour du concept de « guerre électronique » ou cyberguerre. Là aussi cependant, le technicisme continue à faire peser un poids non négligeable sur la pensée stratégique.
D’une façon générale, il est permis d’affirmer que l’accent mis sur les technologies de l’information et leur évolution constante a paradoxalement fourni peu d’eau au moulin de la compréhension du phénomène stratégique. Certes, il n’est pas aisé de cerner dans l’immédiat les conséquences d’un avatar technologique aussi pervasif, qui plus est en processus d’innovation continue et mêlé à d’autres transformations sociales toute aussi importantes. Dans les faits, l’histoire enseigne que chaque rupture ou révolution, qu’elle soit de nature politique, géopolitique, économique, sociale, intellectuelle ou spirituelle, a pour effet de changer la nature de la guerre et de transformer la relation entre l’action politique et l’action conflictuelle, ces changements étant la plupart du temps perceptibles a posteriori. Il en est ainsi de l’informatisation ou si l’on préfère, de la société de l’information, dont les soixante années de montée en puissance ont contribué à dessiner, en parallèle à d’autres transformations, les contours d’un nouveau visage de la conflictualité, donc du paysage stratégique.
Les lignes de force stratégiques de l’informatisation du monde (PDF, 160 Ko)